La mosquée phare

Comme un phare éclairant nos âmes perdues 

Aujourd’hui, Kader, le beau-père d’Hassan nous surprend tous. On part quelque part, où ? C'est la surprise du chef ! Un cadeau qui lui ressemble. Partir tous, sa femme, sa sœur son frère, les femmes et les enfants, tous…

Kader est dans une forme olympique. Quand il rigole, tout son corps résonne.  On monte tous dans son Pick up bleu Zamyad 24p en direction de la montagne mais destination encore secrète. La route de montage. Une multitude de camions remplis de caillasse sillonnent et passent par là. Une carrière sûrement.

D’ailleurs le mari de la deuxième sœur d’Hassan travaille dans une carrière. Il se sent diminué avec un œil en moins, perdu par un eclat de pierre dans une explosion. Il ne veut pas être photographié. Il porte en lui quelque chose que j’admire. Quand il me montre ses mains, son regard me dit : « regarde ce que je suis devenu, je travaille à la mine, pour gagner de quoi loger et faire vivre mes enfants ». Le soir avant d’aller dormir, il se tartine les mains de crème et dort les mains protégées par des gants en caoutchouc bleu : "C'est pour adoucir ma peau car les calles sont énormes et sont dures comme du fer." Je lui prend ses mains, il a les mains douces et dures comme du bois sec.  Aujourd’hui il travaille et n’est pas avec nous.

 

Nous voilà entassé à l’arrière. Une heure, plus encore que l'on roule entre chaleur écrasante et les virages sans ban quettes, sans sécurité, sans rien. Uniquement la vie, les rires, les enfants chahutés qui nous regardent. A cet instant je suis conscient de vivre dans un autre monde. L’incroya ble  balade que nous offre Kader vers on ne sait où... On est là, à rouler comme des tarés.

Un arrêt, une fontaine, une cascade proche du ridicule sur le bord de la route. Les voitures s’arrêtent.L’eau dans ces montagnes plus qu’arides est attirante. Un point de fraicheur qui rend calme. C’est une bénédiction.

On reprend la route. La nuit commence à tomber. Les paysages caillouteux font place aux phares et éclairages de mosquées. Le vent devient froid. On sort les couvertures. On roule encore. J’en ai marre Kader, dis-moi où on va !

Kader rigole de plus belle en nous regardant comme du bétail à l'arrière. Soudain la voiture ralentit, des lumières apparaissent.

Un col où les camions essoufflés crachent leurs poumons noirs à dix à l’heure. Un parking. Une plateforme éclairée de couleur verte et orange. Une mosquée tombée de nulle part en son centre. C’est donc là que Kader voulait nous emmener, dans une mosquée au sommet d’un col. Une mosquée  genre Disney à coté d’une nationale à camions.

Je rêve debout !

Dehors, pas mal de gens pour une heure tardive et un endroit si reculé. Eclairé par  des ampoules style 14 juillet, on s'allonge pour se restaurer.  Je doute du lieu et me demande pourquoi tant d’efforts pour ce truc vert.

Puis on rentre dans la  mosquée. Je peux entrer aussi ? Bien sûr... A l’intérieur tout est en miroir biseauté, c'est magique, un peu clinquant mais magique quand même.

Les tapis aus sol nous inviten à la méditation. On s’est assis et chacun a prié comme il voulait, les enfants jouaient à courrir. Nous sommes resté là, tranquilles. Au bout d’un moment, je me suis levé et j’ai demandé à un homme, peut-être l’imam si je pouvais faire des photos, il a sourit et m’a dit : "Fais, mais ne dérange pas les prières donc pas trop longtemps."

J’ai fait mes photos et filmé, puis j’ai posé mon appareil sur le tapis comme une chose inutile,  j’ai regardé et partagé ce moment simplement. Je suis resté assis comme les autres dans cet espace devenu magnifique et à mes yeux plus du tout clinquant, ce leiu s'était transformé en une alcove au gout de paradis.

Dans cet endroit curieux, reposant, proche, j’ai partagé quelque chose en silence. J’ai compris que cette mosquée était là comme un phare, par son point culminant, pour éclairer nos âmes perdues sur nos routes terrestres.